Performer après 50 ans, Joe Friel

Triathlète de haut niveau et entraineur sportif, âgé de 70 ans, Joe Friel, a toutes les compétences pour aborder le sujet. Il nous transmet le résultat des études scientifiques récentes et son expérience de terrain pour le maintien des capacités sportives malgré le vieillissement. C’est bon d’avoir les conseils d’un athlète qui vit le déclin physiologique dans sa chair. En effet, les godelureaux de 25 ans ont tendance à avoir des avis extrêmes: soit ils ne voient pas le problème, soit ils estiment que après l’âge vénérable de 50 ans, on ne peut que faire un bilan cardiaque avant de s’inscrire au yoga.

Physiologie du vieillissement du sportif

Les chapitres sur les conséquences des bougies sur le gâteau d’anniversaire sont un peu longuets. La plupart des études scientifiques sur le vieillissement portent sur des cohortes de sujets « normaux », donc sédentaires : en effet, seulement 13% des personnes de plus de 65 ans font du sport de façon intensive trois fois par semaine ou plus. Les travaux s’intéressent en général aux jeunes sportifs. Et les femmes, c’est trop compliqué.  Donc peu de choses concernant les sujets de plus de 50 ans encore sportifs, et à fortiori de haut niveau, et les interprétations doivent être prudentes. Par exemple, quand les chiffres montrent que les sédentaires perdent moins leurs capacités aérobies en vieillissant que les sportifs, c’est parce qu’ils n’ont rien à perdre.

Maintenant, l’arrivée massive des baby-boomers qui restent actifs dans ces tranches d’âge permet de travailler la question. On observe que, si les performances commencent à décliner régulièrement à partir de 30 ans, au passage de la soixantaine,  il y a un fort impact, particulièrement en natation et en course à pied, alors qu’en vélo ça résiste mieux. A 75 ans, toutes les performances décrochent. Bon, Libby James, à 76 ans, courait le semi-marathon en 1h46, je m’en contenterais. Et si on renonce à battre des records, il n’y a pas de limite d’âge.

Les vieux voient diminuer leur fréquence cardiaque maximale. Ils perdent de la capacité aérobie, c’est à dire  la quantité d’oxygène qu’ils sont capables de transformer en vitesse. Retenez que le poids de l’athlète est un des facteurs de l’équation.

Les ancêtres abaissent leurs seuilslactiques et anaérobies.
La masse musculairea tendance à diminuer, alors que la masse grasse augmente.
Le risque de blessure ou de maladie augmente, et quand on avance en âge, la guérison est plus longue à obtenir, et l’arrêt induit une régression plus rapide que chez le sujet jeune.
Seule bonne nouvelle, l’économie, qui est le rendement obtenu avec l’oxygène consommé, est en général bonne chez le vieil athlète.

Parallèlement, comme c’est sur les épreuves longues qu’ils restent performants – et aussi on leur dit que c’est là qu’ils restent performants-, les sportifs vieillissants s’orientent vers les compétitions en endurance, et donc concentrent leur entrainement sur des séances à faible intensité. C’est une énorme erreur.

Effets du sport sur le vieillissement.

Tout est dit avec une photo qui montre une souris sédentaire, toute grignette, grisonnante avec les oreilles molles et une souris sportive du même âge, trapue, le poil noir et brillant, et l’oreille tonique.

Si le vieillissement impacte les capacités sportives, le sport est sans aucun doute l’antidote au vieillissement. Et ne parlons pas des bienfaits psychologiques.

Comment maintenir ses capacités sportives malgré le vieillissement

Les facteurs sur lesquels on peut agir sont :

La capacité aérobie

L’auteur est formel, expérience personnelle et études scientifiques à l’appui : il faut faire du travail à haute intensité. Un sujet dont l’entrainement est optimal ne peut espérer qu’un maintien de ses capacités, alors que quelqu’un qui n’a jamais rien fait correctement peut s’améliorer.

Le maintien de la masse musculaire

Il faut faire de la musculation. Aucun risque de se transformer en M. Muscle à 65 ans, à moins de manger à l’insu de son plein gré des vitamines italiennes. Le sport ne maintient la masse musculaire que des muscles qui sont entrainés.

Maitrise de la masse grasse 

En ayant un régime sain, plus orienté vers les protéines et les lipides, et en diminuant les glucides, en particulier les sucres rapides. Il recommande de prendre les protéines rapidement après une séance intensive. J’ajouterai une information personnelle : les gériatres disent que avec l’âge la perméabilité du système digestif aux protéines (acides aminés exactement) diminue, et qu’il vaut mieux manger un repas ultra protéiné par jour qu’en consommer un peu à chaque repas. Par exemple, un repas : poisson, œufs, fromage, yaourt. Après quid de la viande…

Récupération

Il ne faut pas s’épuiser en séances longues : de l’amélioration de la VO2max, de la capacité d’économie, de l’expérience et du mental, viendra l’endurance. Sans surprise, il faut bien dormir et ne pas hésiter à faire la sieste, privilège des retraités.

Entrainement sportif après 50 ans

Se fixer un objectif :

« Avoir un objectif élevé est toujours du meilleur effet dans les conversations de vestiaire entre camarades d’entrainement, mais cela signifie en général une faible motivation parce que au fond de vous, vous savez que cet objectif est inatteignable ». Il y a un très joli témoignage de Lisa Larsen qui aimait gagner le Marathon de Boston -entre autres-, en moins de 2h30. Elle conseille aux jeunes de prendre le temps de savourer leurs succès, et en faire des souvenirs heureux. Et aux vieux de structurer leur activité sportive en fonction de leur présent, pas de leurs performances passées.

Se tester

A faire régulièrement pour évaluer la qualité du programme EF, capacités aérobies et seuil lactique. Les tests recommandés sont :

  • Le Facteur d’Efficience(FE) : Votre montre GPS donne sur un segment assez long au seuil aérobie (une demi heure par exemple) votre fréquence cardiaque moyenne (125 par exemple) et votre vitesse (12km/h égale 200 mètres par minute). Votre FE est : Nombre de mètres par minute/ FCM soit 200/125 = 1,6
  • Le test de la capacité aérobie : après échauffement, course de 5mn le plus rapide possible toujours sur le même parcours à plat. Le critère est votre vitesse sur ce segment.
  • Le test du seuil lactique : pareil, mais sur 20 minutes. Rien que l’idée me fatigue.

Construire un programme

Prudence

D’abord, prudence et modération, une blessure ou le surentrainementen voulant trop bien faire: c’est  la régression assurée. Pour les séances de fractionné, après échauffement bien sûr, la fréquence cardiaque est un mauvais critère d’intensité, il faut préférer le ressenti (effort 8-9/10), ou l’allure. Il recommande de s’arrêter quand on ne se sent capable de ne faire qu’un autre fractionné.

 Périodes d’entrainement

Il va falloir mixer 4 types d’entrainements : fractionné à haute intensité(FHI), fractionné au seuil lactique(FL), effort au seuil aérobie(SA), renforcement musculaire(RM). L’auteur ne croit pas aux étirements. Et la périodisation vous le savez , intègre des périodes de récupération(R) nécessaires à la progression. Malheureusement, il n’aborde pas le problème spécifique du triathlon avec ses trois disciplines.

Les programmes traditionnels sur une semaine de 7 jours sont liés aux contraintes professionnelles, qui font en général que les séances longues ne peuvent être placées que le week-end. Avec l’âge, il faut s’orienter vers une périodisation plus longue, jusqu’à la «semaine» de 9 ou 10 jours. J’interprète qu’il faut passer à la semaine de 8 jours entre 50 et 60 ans, puis augmenter la « semaine » d’un jour par décennie. De même, les périodes de repos-récupération seront plus longues, jusqu’à 4 jours, selon le ressenti.

Ses programmes comportent les périodes habituelles, dont voici les durées indicatives, l’objectif de l’entrainement et les séances prioritaires :

  • Préparation, 1 à 6 semaines : mise en place d’un entrainement structuré : SA, RM, FHI
  • Début travail fondamental : 1 à 6 semaines : maximiser la force et travail aérobie : SA, RM, FHI
  • Fin du travail fondamental : 3 à 6 semaines : début du travail haute intensité etmaintien de la force : SL, FHI, SA, RM
  • Entrainement spécifique : 9 à 12 semaines : Séances en condition de course et maintien de la force ; il y a là des différences selon la durée attendue de la compétition : plus l’épreuve est longue plus on privilégiera les entrainements aérobies aux dépens de la haute intensité. A partir de ce moment, le renforcement musculaire devient la dernière roue du char.
  • Pré-compétition : 1 à 2 semaines : affutage et petites séances en conditions de course et maintien de la force : le travail au seuil lactique est au premier plan au delà de 2 heures d’effort prévu, alors que Le FHI reste la priorité pour moins de 2 heures
  • Compétition : 1 semaine repos et maintien de la condition physique
  • Transition : 1 à 4 semaines: récupération physique et mentale

Chaque période est composée un ou plusieurs mésocycleseux même répartis en une quinzaine jours de travail intense (14 à 16 jours pour un plus de 50 ans) et quelques (selon le besoin éprouvé)  jours de récupération et d’un test. On parle de récupération avec des séances «  brèves et faciles » (SF), ou de repos complets (RC).

Exemple à 60 ans : mésocycle de 2 semaines de 9 jours ; 4 jours de récupération (R), en période de préparation fondamentale :
« Semaine » 1 : J1: FHI / J2:RC / J3:RM / J4:SL / J5:RC / J6:RM / J7: SA/ J8 :SF/ J9:RC
« Semaine » 2  J1: FHI / J2:RC / J3:RM / J4:SL / J5:RC / J6:RM / J7: SA/ J8 :RC / J9 :SF / J10: SF/ J11 :R / J12 :test / J13 :R
Reste à arrêter le travail, qui gêne dans l’emploi du temps.

Un programme personnalisé se construit classiquement sous forme de rétro-planningà partir des compétions principales de la saison. L’auteur insiste sur la nécessité, passé un âge, de faire preuve de souplesse et de s’adapter à la forme du jour en intervertissant si besoin des séances. En cas de blessure, ou d’interruption significative du programme, il faut reprendre un niveau en dessous et supprimer les derniers jours correspondants des périodes spécifiques.

Conclusion

C’est un excellent livre très documenté, très précis et qui répond parfaitement à la question spécifique de l’entrainement du sujet âgé. Les tableaux précis permettent de trouver des programmes très détaillés adaptés à la durée attendue de la compétition.

Je suis restée sur ma faim en ce qui concerne l’alimentation, qui n’est, il est vrai, pas le sujet principal.

Le travail est orienté sur la course à pied, et je ne sais pas vraiment comment conjuguer ses planifications avec trois disciplines. Joe Friel est aussi l’auteur de «la bible du triathlon», d’autres bibles du même acabit, et de livres sur les débuts en triathlon, que je m’en vais trouver.

Pour conclure : « Vous devenez vieux lorsque l’âge devient une excuse»

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