GR 54, Tour des Ecrins

En 2020, nous sommes partis en couple de quincagénaires fringants, sur le sentier de Grande Randonnée 54, qui propose le Tour du Massif des Ecrins en une douzaine de jours. Tentée par le bivouac, j’ai été attentive aux opportunités de s’installer et aux ravitaillements.
Sans originalité, nous avons choisi de tourner dans le sens proposé par le guide, clock Wise, celui de la méditation bouddhiste. Le périple a eu lieu la dernière semaine de juillet, première d’Août.
En cette année 2020 très perturbée, je raconterai les circonstances d’accueil touristique de façon factuelle. J’ai bien compris les difficultés sanitaires et financières de nos hôtes, qui peuvent altérer de façon exceptionnelle la qualité de prestation.

J’ai appliqué mes principes de sac à dos minimaliste, pour un total de 7kg, hors eau et alimentation… mais erreur de débutante, un livre de bibliothèque municipale alors que nous avons rencontré plusieurs boites à livres dans les villages.

J1 : Maison- Bourg d’Oisans, Le Chatelard : +700 m, bof, démarrage on va dire.

Bourg d’Oisans, tous les commerces.

Vu de chez nous, le trajet en transport en commun paraissait compliqué, avec des changements à Grenoble et une demi journée perdue. Je spoile ; l’avenir nous montrera que en bus, Lyon, Grenoble, Bourg d’Oisans prend une demi journée et coûte moins de 30 euros avec les bus trans-isère. Bref, nous avons à tort opté pour le trajet en voiture et le stationnement à la gare routière de Bourg d’Oisans.

Nous avons prévu une première étape de mise en jambes de 2h15 pour monter au Chatelard : on monte bien raide en croisant les lacets de la route, pas bien agréable, jusqu’à La Garde(fontaine). Puis on monte en forêt. Il nous a fallu plus de trois heures : on s’est dit qu’on était devenus vieux et que ça promettait pour la suite : en fait, l’itinéraire a été modifié depuis l’édition de notre guide emprunté à la bibliothèque.
Le Chatelard est un hameau de moins de dix maisons. Vu de chez nous, encore une fois, il n’y avait comme hébergement que l’hôtel de la Forêt de Maronne.

Cet hôtel est tenu par un monsieur seul dont la vraie raison de vivre est ses chiens malamuts. Point extrêmement positif, une piscine. Point très négatif, un tarif de demi pension usurier pour la qualité des prestations. Et 5 euros pour un pique nique qui se résumera à « prenez ce que vous voulez au buffet petit déjeuner », – égale pain, saucisson, fromage et yaourts industriels, dans les Alpes ! – Se servir dans le buffet, merci, on y aurait pensé tous seuls. Le hameau  a vue sur Huez et Alpes d’Huez, et se prolonge sur le belvédère du Regardet,qui domine la Vallée de l’Oisans et offre une table de pique nique. Il y a une fontaine, pas d’épicerie.

Vue sur la vallée de Bourg d’Oisans, le Regardet.

J2 : Le Chatelard, Besse en Oisans. Une belle ballade, 5h30, D+800m.

On descend au bord de la Sarenne,très beau torrent, on passe un petit pont de pierre et on longe les ruines d’anciens moulins, super point de bivouac, à moins de 4h du Bourg.

Moulin sur la Sarenne, GR 54

On remonte en longeant le restaurant l’Auberge de Combe Haute, onéreuse (café, 2,20 euros). On atteint ensuite le Col de la Sarenne (2000m) en longeant, sur la route, des marécages protégés. On descend ensuite à Clavans le haut,puis Clavans le Bas (fontaines, pas de commerces) pour passer le Ferrand et regrimper vivement à Besse en Oisans. C’est un très joli village typique, bien mis en valeur. Nous avons dormi au Gite le Sarret,qui propose des chambres et du dortoir. Il est propre , spacieux et généreux. Nous avons mangé un gratin de crozets au fromage à se damner. A Besse en Oisans, épicerie, bar, boulangerie excellente tout à l’extrémité du village, sur le parking. Achat de pique nique pour le lendemain midi.

J3 : Besse en Oisans, Chazelet, 6h, D+ 800m.

Plateau d’Emparis, GR 54

On monte sans compromis les 700m de bon chemin d’alpages qui mène au Plateau d’Emparis.

Celui là est magnifique, assez fréquenté car accessible en voiture, puis on rejoint le Col du Souchet. Nous n’avons pas fait le détour par le Lac Noiret le Lac Lérié, magnifiques paraît-il, et nous le regrettons (idée de rando à la journée). La re-descente au Chazelet est facile mais fastidieuse, encombrée de promeneurs à la journée, chiens, enfants et VTT.

Au Chazelet, nous avons été en demi- pension «  chez Baptiste », confortable, agréable. Le village est joli, avec ses maisons de pierre et son célèbre clocher qui se projette sur le massif de la Meije. Des fontaines, épicerie au bout du village, sur le parking. Pas d’achat de pique nique car nous passerons dans un village demain en fin de matinée.

Clocher du Chazelet, GR54

Excellent diner avec des tomates farcies qui m’ont inspiré que le végétarismec’est bien, manger des protéines en cas d’effort soutenu, c’est mieux.

J4 : Chazelet – Alpes de Villars d’Arène

On s’offre un tout petit détour par une table d’orientation qui permet d’identifier les différents pics , cols et glaciers du massif. On redescend sous la pluie aux Terrasses, joli village, et on rejoint La Graveoù il ne faut pas manquer d’aller voir le clos de l’église Notre Dame de l’Assomption (XIème siècle), de la chapelle et du cimetière avec ses étonnantes croix. C’est un bourg conséquent où on trouve tous les commerces. Une mention pour le gite des edelweiss qui a refusé de nous servir un café, alors que ses pensionnaires étaient en plein petit déjeuner. La journée se continue en longeant la magnifique rivière Romanche aux eaux bleu-vert. Ravitaillement à l’épicerie puis pique –nique à Villars d’Arène.Le long de la rivière des zones de bivouac de rêve. Notez bien que étant juste conseilleuse en bivouac, je ne me soucie sûrement pas assez des risques de crue et d’éboulement. La randonnée se continue agréablement, dans des paysages somptueux, par un bon coup de cul pour atteindre le refuge des Alpes de Villars d’Arène. Chéri-chéri m’explique que, en montagne comme sur la route, la priorité est à la voiture montante. Face à un troupeau de vache et taureaux descendant résolument par le sentier, il a n’a cependant pas su faire valoir ses droits. Pause goûter à quelques mètres de trois jeunes marmottes en train de chahuter.  En contre bas une magnifique vallée alluviale mène aux deux refuges du Lac Pavé et Adèle Planchard.

Vallée de la Romanche, GR54

En pleine euphorie, je nous vois déjà revenir pour une rando de week-end. Renseignements pris, le refuge du lac Pavéme paraît à ma portée, alors que je ne calcule même pas le refuge Adèle Planchard,perché à plus de 3000 m, avec accès par des traces cablées et qui indique enthousiaste dans son bulletin d’actualité du 1er Aout 2020 « la voie normale de la Grande Ruine est en bonne conditions, la partie glaciaire est intégralement en neige, avec une rimaye bouchée. »

Arrivée au refuge CAF de Alpes de Villars d’Arène, où je découvre consternée que je n’avais pas réservé l’hébergement ici, mais à Villars d’Arène, 3 heures de marche plus bas. J’utilise le téléphone du refuge pour me confondre en excuses.
Deux infusions de verveine plus tard, diner abondant mais pas très réussi, mais cette année, je ne porte pas de jugement définitif. Pas de douche pour raison sanitaire.
Pas d’achat de pique nique car c’est étape courte demain.

J5. Alpes de Villars d’Arène – Monetiers 3h de marche, D+ 400m

Aujourd’hui, youpi c’est relâche. Marche tranquille en direction du Col d’Arsine, avec des détours au Lac de l’Etoile, petit mais charmant, et au Lac d’Arsine, retenue d’eau grisâtre car saturée de minéraux, sans grand intérêt.

Lac de l’Etoile, GR54

La descente du col est très belle, on longe un torrent d’un vert incroyable qui forme de belles retenues d’eau. Plus on avance vers leLac de Douche, plus la promenade devient populaire. La descente sur Le Casset se fait par un large chemin forestier. Au Casset, nous déjeunons en terrasse ombragée à l’auberge chez Ginette. L’assiette montagnarde est super. Puis nous nous laissons gentiment glisser au Monetiers, jusqu’à l’Auberge de Violaine, honnête hôtel moderne.

Nous nous livrons avec bonheur à une grande lessive avant de nous diriger (selon programme) vers l’établissement balnéaire. En effet les amis, apprenez que il y a là des sources d’eau chaude, déjà utilisées par les usagers romains de la voie Domitienne entre Briançon et Grenoble. Il y a également, une source d’eau gazeuse à la fontaine la Rotonde au nord du village. L’établissement «  Les Grands Bains » (attention, réservation obligatoire) est beau, spacieux, tout en verre et bois, avec vue sur la rivière et la montagne. Il y a des bassins à 36°, intérieurs et extérieurs, avec des jets pour masser les pauvres mollets et les épaules endolories. On peut se tremper dans des eaux froides (12°) et chaudes (40°), et nageouiller dans un petit bassin de température convenable (30°). Les saunas, hammams, massages étaient fermés pour cause de covid. L’entrée n’est pas donnée, 21 euros pour deux heures, moins cher sur le dernier créneau de la journée.

On trouve tous les commerces, y compris des magasins de sport, dans le village. Ravitaillement pour demain midi. Plusieurs restaurants sont engageants mais pas donnés. Notre choix s’est porté sur la pizzeria Le Ristrett, absolument excellente pour un prix raisonnable.

J6. Monetiers les Bains – Vallouise (8h, D+ 1000m)

On monte au Col d’Eychauda par un sentier bien pentu, bien sportif, dans une belle forêt, pour aboutir à l’arrivée du télésiège. On reprend courage avec un petit café au restaurant d’altitude avant d’attaquer la dernière montée, qui flirte grossièrement avec les télé-sièges.

Après le col, la descente est interminable ( 3h30, D- 1300m) jusqu’à Vallouise. En plus, elle finit sur la route D994, bien fréquentée, pendant 20 minutes. A Vallouise, bars, restaurants, hébergements, épicerie, boulangerie, et , très important, office du tourisme pour se renseigner sur l’enneigement du col de demain, Aupt-Martin. Le vieux village vaut le détour. Nous nous achetons le pique-nique de demain.
Décidément handicapés de l’hébergement, nous n’avions trouvé à réserver que à l’hôtel Aiglière, à ¾ h de marche, à Puy St Vincent. Le « chemin des lutins » y conduit agréablement. L’hôtel a une piscine, re-re-re-baignade, et on y mange fort bien.

J7. Vallouise, refuge de Pré Chaumette 6h30, D+ 1100

La rumeur dit qu’il faut prendre en taxi entre Vallouise et Entre les Aigues, parce que c’est un tronçon de route. Nous avons pris effectivement une navette ( tel 04 92 23 42 48. 8 euros) Ca gagne effectivement deux heures de marche sur une très grosse étape, ce que nous avons apprécié. En revanche, la route en question est une agréable route forestière tout à fait fréquentable pour ceux qui veulent organiser leur itinéraire autrement.

La montée à Aupt Martin commence bien en longeant par un joli torrent et des petits névés. Après deux heures, la pente se fait raide, on rencontre un rocher à escalader, un autre à contourner sans appui pour les pieds (lévitation), le sentier fait 12 cm de large, il y a beaucoup de gaz dessous, je me crispe.  La montée finale dans du paillis de schiste est impressionnante, mais nos amis du syndicat d’initiative ont aimablement stabilisé le sentier, ce qui fait qu’on ne risque rien. Le passage au Pas de la Cavale, c’est le même topo, sauf que le chemin n’est pas stabilisé, et que tous les gens stationnés à Aupt Martin vous observent pour voir comment ça passe. Et ouf, on rejoint la terre ferme pour une descente sans fin, les yeux rivés au chemin pour éviter un faux pas, vers le refuge. Si je crains toujours le vide, physiquement je pète la forme, et je ne suis pas fatiguée.

Accueil super sympa, excellent repas. Pas de douche non plus, mais torrent à volonté, toujours à cause du covid. Achat d’un seul pique nique car il nous reste des vivres.

J8. Refuge Pré Chaumette – Refuge de Vallon Pierre 6h, D+ 1400 ?

Ca grimpe tout de suite dur et longtemps (+900m) en direction du Col de la Valette : on a payé pour ça, je tiens la forme, je ne me plains pas. La descente commence dans une poudre de schiste assez stable puis redevient normale. On pique-nique dans le très joli vallon de Gouiran, avec en perspective le col éponyme, aimable digestif par rapport au précédent.

Gouiran, GR54

Le guide annonce des altitudes autour de 2600m pour les trois cols, en omettant de signaler qu’il y a une fameuse descente, et donc un grosse ascension, entre le col de Gouiran et le col de Vallon Pierre,qui est impressionnant vu du bas. Je gravis cette sâleté de montagne, puis redescends au refuge toujours les yeux rivés au sol pour éviter le faux pas et la vue vertigineuse qui commence à m’user les nerfs. Si je pouvais, excédée, j’arrêterais la rando immédiatement. Le refuge de Vallon Pierre est très joli, installé au bord d’un petit lac.

Refuge de Vallon Pierre, GR54

Pour pallier la fermeture des sanitaires, le gérant en a installé une douche extérieure avec un long tuyau noir pour tiédir l’eau. Qu’il soit béni. Le ventre plein, propre, avant une bonne nuit, je suis fière de ma performance pour une ancienne vertigineuse, contente de ma condition physique car tout fonctionne à merveille, et je m’endors en aimant le chemin.

J9 : Refuge de Vallon Pierre – La Chapelle Valgaudemar. 3h30, descente

Journée de «  »repos après deux journées plus intenses. Descente tranquille dans la vallée, avec enfin une pause myrtilles.

Descente de Vallon Pierre, GR54

Plus tard, nouvel arrêt pour un café au Refuge du Clot. Là, des panneaux annoncent partout : ne pas caresser le chien, ne pas nourrir le chien. Pourquoi ce joli petit berger australien est-il puni ? hé bien, il n’est pas puni, on le destine au métier de sauveteur en montagne. Dans cette optique, il doit être assujetti exclusivement à son maître. Le chemin jusqu’à la chapelle est pastoral, je regrette de ne pas avoir fait le détour à partir du pont romain jusqu’à la cascade du Casset. A noter également les Oules du Diable,canyons et marmites à deux km du centre du village : Chéri-chéri, usé, n’a pas voulu se pousser jusque là.

Dans le village, épicerie et restaurants. Pour nous nuit au refuge municipal, bel bâtisse ancienne au centre du camping. Là, chambre pour deux et sanitaires sur le palier pour 15 euros par personne. Mais il y a bien mieux si on s’y prend à l’avance : Revembullepropose de dormir à la belle étoile, dans une bulle transparente, pour 69 euros les deux personnes, petit déjeuner compris. Nous, nous avons diné et pris le petit déjeuner à l’hôtel du Mont Olan.

J10. La Chapelle Valgaudemar-… Lyon !

Après une bonne nuit, départ dans la joie et la bonne humeur. Mais, en pleine pente, les yeux rivés au chemin, attentive aux éboulis de graviers roulants, aux racines qui dépassent et à l’enchainement des pas sur les rochers, j’ai une révélation : ras le bol. Pas de la fatigue physique, non, plus le goût de passer mes journées à regarder mes pieds, à m’inquiéter des difficultés à venir, sans bien profiter d’un paysage répétitif. Chéri-chéri pense la même chose, aggravé par le fait qu’il n’aime pas la promiscuité des refuges et ne dort pas en dortoir.

Nos héros mettent environ 2 minutes à décider de rentrer à Bourg d’Oisans et une vingtaine à rallier l’arrêt de la navette à Villars Loubière (Hautes Alpes). A 11heures, le chauffeur nous apprend que la prochaine étape sera en car de St Firmin à Grenoble, qui passe à 16h20. Il nous pose à son terminus sur la nationale. Lever de pouce rapidement fructueux. La gentille dame nous sauve la mise : elle nous amène à Corps, en Isère, et nous oriente vers l’Office du Tourisme. Et là, en intra départemental, c’est fastoche. Nous rejoignons très vite la gare routière de Grenoble,puis de là Bourg d’Oisans, pour des prix symboliques. Pour le goûter nous mangions une grosse glace chez Gilly. Amis fauchés : pour les vacances, le car pour La Chapelle Valgaudemar, et le gite municipal, c’est la solution.

Conclusions

C’est une randonnée de 12 jours si on ne traine pas en route comme nous. La marche est physique, avec de forts dénivelés, de l’ordre de 1000 D+ par jour, mais pas plus que ce que nous avons vécu autour du Mont Blanc, à La Réunion ou au Ladakh.Ce n’est pas l’effort physique ni l’altitude (max 2700 m) qui m’ont saturée – bonne nouvelle – mais le caractère très alpin des chemins, étroits et instables au dessus de fortes pentes. N’ayant pas le pied montagnard, et ancienne victime du vertige, ce type de terrain me demande une attention soutenue et toute annonce de difficulté me stresse à l’avance. Quand c’est trop difficile pour moi, je suis fière de me surpasser, mais je reste toujours pressée de me sortir de « ce mauvais pas », et finalement je n’apprécie pas le paysage.
Fin juillet, nous avons marché sur de petites langues de névés, pas plus de 10 pas de suite chaque fois je dirais.

Les paysages sont beaux, malgré quelques tronçons de route ou sous les télésièges. J’ai beaucoup aimé le nombre de torrents, cascades, lacs, on est toujours au contact de l’eau.
L’hébergement et la restauration ont globalement été très agréables. Si le covid a hélas fait fermer les douches, en échange les dortoirs n’étaient pas pleins. Je recommande.

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